Israel et les conflits du monde, les vues insolites de M. Jean Asselborn
J’aimerais attirer votre attention sur l’allocation de notre Ministre des Affaires étrangères et européennes, M. Jean Asselborn, au symposium « Quel futur pour les Palestiniens et les Israéliens ? » qui s’est tenu à l’Abbaye de Neumünster le 5 octobre 2019.
Vous trouverez le texte de cette allocation sur la page Facebook du MAEE.
J’aimerais faire un commentaire sur le deuxième paragraphe du préambule, que je cite ci-dessous :
« Tous les peuples du monde, Palestiniens, Israéliens, ou Luxembourgeois ont le droit fondamental de vivre en paix et en sécurité dans leurs pays respectifs dans des frontières sûres et internationalement reconnues. Pour y arriver, le droit international et les droits de l’homme, les droits des Palestiniens et les droits des Israéliens sont à respecter.
Malgré sa longue durée, le conflit israélo-palestinien n’a rien perdu de son importance politique, stratégique et émotionnelle. Le Moyen-Orient tout entier n’est pas près de revenir au calme, tant que son conflit le plus ancien n’est pas définitivement réglé. Tant que ce conflit n’est pas réglé, il continuera de générer frustration, haine et radicalisation, à des échelles à la fois régionale et mondiale, des Philippines au Moyen-Orient, en passant par l’Europe et jusqu’aux Amériques. »
Si la paix entre Israéliens et Palestiniens pouvait survenir demain, par un coup de baguette magique, le Moyen-Orient reviendrait-il au calme ? Fin du conflit entre l’Arabie Saoudite et les rebelles Houthi, armés et soutenus par l’Iran, au Yémen ? Fin du conflit en Syrie, entre les Alawites chiites d’Assad et les Sunnites ? Fin du conflit entre la Turquie et les Kurdes ? Fin du conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie à propos du Haut-Karabakh ? Bien évidemment que non ! Cette affirmation selon laquelle le conflit israélo-palestinien serait la « mère de tous les conflits » au Moyen-Orient ne tient pas au simple regard de ce qui se passe dans cette région. Conflits locaux, et conflits liés à l’opposition entre Sunnites et Chiites, actuellement sous l’impulsion de l’Iran, sont les véritables causes de ces conflits.
Que penser alors de la phrase :
« Tant que ce conflit n’est pas réglé, il continuera de générer frustration, haine et radicalisation, à des échelles à la fois régionale et mondiale, des Philippines au Moyen-Orient, en passant par l’Europe et jusqu’aux Amériques. »
Il est vrai que la détestation d’Israël a été et reste le ciment qui unit tous les États oh combien disparates du monde musulman. C’est sur cette base que les 57 pays membres de l’OCI (Organisation de la coopération islamique) votent en bloc toute résolution dirigée contre Israël, notamment dans les diverses organisations et comités des Nations-Unies. Mais bien au-delà, Israël est devenu la ligne de connexion idéologique de l’antisémitisme de l’extrême-droite, de l’extrême-gauche et de l’islam radical. Cela de par son caractère juif, d’une part, qui fait ressortir tous les stéréotypes anti-juifs basés sur les religions, et d’autre part, parce qu’il s’agit d’un État moderne, démocratique, libéral… en opposition complète des autres États de la région. (1) Le conflit israélo-palestinien est-il alors la cause de cette haine et de cette radicalisation à travers le monde, ou n’est-il pas plutôt la feuille de vigne derrière laquelle peuvent se cacher les antisémites de tout bord ? N’est-ce pas plutôt l’existence même de cet État qui cristallise toute cette haine ?
Nous prendrons la liberté de remplacer conflit israélo-palestinien par Israël ci-dessous, puisque le discours de M. Asselborn, à part une condamnation du Hamas, fait peser la responsabilité du conflit sur Israël.
« Haine qui s’étendrait des Philippines au Moyen-Orient, en passant par l’Europe et jusqu’aux Amériques ».
L’insurrection moro aux Philippines est un conflit armé opposant depuis 1969 les forces gouvernementales des Philippines à des groupes armés moros indépendantistes, islamistes ou djihadistes. La faute à Israël ? C’est grotesque ! Nous n’avons pas l’intention de lister tous les conflits du monde, mais une affirmation aussi générale et globale rendant un conflit régional responsable de tous les maux de la terre ne peut évidemment pas s’appliquer, à moins que… A moins qu’on ne souscrive à une vision du monde dans laquelle il y aurait un groupe bien particulier, malfaisant, aux pouvoirs exorbitants, dirigeant le monde, etc. On se situerait alors en plein dans la suite des élucubrations du « Protocole des Sages de Sion ». Avec tout simplement le glissement de ‘Juifs’ à ‘Israël’, l’État juif. Les juifs comme bouc émissaire, dans le passé et encore aujourd’hui, comme le récent attentat de Halle a souligné une fois de plus, et maintenant leur État comme bouc émissaire.
Comment expliquer autrement que par un antisémitisme latent, terreau toujours fertile, que ce soit justement ce conflit régional – alors qu’il y en des centaines de par le monde – qui soit devenu celui qui générerait frustration, haine et radicalisation à des échelles à la fois régionale et mondiale. Entendre le Ministre des Affaires étrangères et européennes de mon pays exprimer ce genre d’opinions fait mal, très mal même !
Ce n’était sans doute pas l’intention de M. Asselborn et, espérons-le, pas non celle de sa « plume » de contribuer à répandre chez nous cette haine et radicalisation liée au conflit israélo-palestinien. Mais mine de rien, c’est ce qu’il a fait. Et s’il y avait un endroit où il ne fallait pas le faire, c’est à une manifestation du CPJPO.
Paul Bleser
(1) Samuel Salzborn, « Globaler Antisemitismus – Eine Spurensuche in den Abgründer der Moderne », Bundeszentrale für politische Bildung, Band 10368
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